L'église St Pierre de SEVIGNACQ-MEYRACQ
Longeant le mur d’enceinte du château sur 40 m, le visiteur accède au portail d’où il découvre l’église et son clocher, entourés d’un enclos de verdure de 200 à 300 m², ancien cimetière de Sévignacq désaffecté en 1912. De cet ancien cimetière ne subsiste que la croix en pierre grise du pays.
Le clocher porche est une tour carrée à trois étages coiffé d’un dôme à l’impériale. Ce porche séparé des lieux consacrés mais néanmoins contigu à l’église était utilisé pour passer, « sous le clocher », serments, accords et contrats oraux solennels. C’était également là où le prêtre venait accueillir les nouveaux nés ou autres catéchumènes, les repentis, les femmes en retour de couches, (purification) etc..., pour leur entrée ou retour dans le sein de l’Eglise.
Les deux cordes qui servaient à sonner les cloches y aboutissaient.
La porte de l’église s’ouvre sur la nef. Cette nef s’ouvre elle-même sur chacun des bas-côtés par deux arcs plein cintre prenant appui sur un pilier central. Le tout est en pierre de taille et maçonnerie sans style particulier, de facture courante. Le dallage est fait de grandes dalles de grès d’Asson (labasses) qui recouvrent les sépultures des personnes enterrées dans l’église. Une de ces dalles porte, gravée, la mention "TOMBE DE VIBE 1710”
Le maître-autel est dédié à St Pierre patron de l’ancienne paroisse. Les bas-côtés abritent deux autres autels secondaires dédiés respectivement à Saint Joseph et à la Sainte Vierge, un confessionnal et le baptistère. Chaque bas-côté est éclairé par deux vitraux. L’abside trapézoïdale, présente sur le côté nord une porte renaissance donnant accès à la sacristie.
Le Château de Sévignacq, actuellement Château d’Etigny était une abbaye laïque. Il faut rappeler que le premier abat était celui qui avait reçu la terre appelée abadie des mains de l’autorité, ecclésiastique en récompense de services rendus, militaires ou autres : fondateur de l’ église du lieu ou protecteur après l’invasion normande. Il en percevait les dîmes qui étaient qualifiées d’inféodées. Plus tard cet abbé fut admis dans le corps de la noblesse et devint seigneur du lieu. L’église de Sévignacq procède de ces dispositions prises par les évêchés béarnais pour assurer la pérennité de l’exercice du culte. Château et église imbriqués, Sévignacq en est un pur exemple.
Ceci nous ramène au Xe, XIe, XIIe siècle (?) pour l’institution de l’abbaye laïque, voire plus avant et même au début de la christianisation du Béam, pour Pédification d’un premier sanctuaire. L’ensemble semble succéder à une enceinte fortifiée, un castera préhistorique.
L’actuelle sacristie, petit bijou, est un quadrilatère de 12 m2 avec sa porte et sa croisée d’ogives du style gothique semblable et de même époque que Ste Colome ou Arudy . Cette partie apparaît comme la partie la plus ancienne de l’église actuelle et nous projette au XVIe siècle. Faisait-elle partie d’une précédente église démolie ou incendiée et reconstruite de façon plus rustique ?
Lors des guerres de religions qui ensanglantèrent le Béarn, Montgoméry qui incendia le château du seigneur de Ste Colome, en 1569 ainsi que le monastère de Bielle épargna les églises de la vallée d’Ossau. Les Ossalois n’étant pas hostiles, elles furent utilisées pour le nouveau culte. Un acte de 1572 fait état d’une demande des habitants de Sévignacq au Conseil Ecclésiastique "afin qu'ils puissent continuer à percevoir les fruits provenant de la fabrique (revenus de l’église) pour subvenir à Ventretien du régent (instituteur) et à la réparation du temple". A partir de 1599/1620 la religion réformée devint minoritaire et l’église qui avait été dépouillée de ses ornements et objets du culte en or fut à nouveau affectée aux célébrations catholiques
Le fond de l'abside est occupée par un retable du XVII°-XVIII° siècle, élégante construction qui monte jusqu'au sommet de la voute, ensemble de bois peint et doré. Deux colonnes torses et des ailerons placés de biais encadrent le tableau d'autel du retable représentant le patron de la paroisse recevant les clés, œuvre du XIX° siècle, qui nécessiterait une restauration. L'entablement est à décor de fleurons. Une Annonciation répartie sur deux panneaux latéraux décore la base des ailerons du retable. Il faut remarquer, que la Vierge est placée à la droite du tabernacle, réserve eucharistique. Elle est en effet considérée comme le premier tabernacle de Jésus qui s'est incarné en elle. La figure de l'ange, qui traditionnellement est plutôt placée à gauche de Marie est donc placée ici à gauche du tabernacle, à l'inverse de ce que représentent les artistes dans la scène de l'Annonciation.
La table d'autel et les panneaux qui l'encadrent sont de réalisation plus récente. Un médaillon central représente le patron Saint Pierre, entouré d'une guirlande de fleurs. Derrière la table, le tabernacle, à deux étages, est posé sur un gradin. Le décor de l'armoire est composé d'un ostensoir, avec raisins et épis de blé, symboles de l’eucharistie. Elle est rectangulaire à face convexe, bordée par quatre colonnettes torses, des panneaux et de grasses volutes. Dans la niche d'exposition placée au dessus, on mettait traditionnellement l'ostensoir ou la statue de la Vierge.
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L’ancien autel dont il ne reste que la face avant, rétréci pour les besoins de la nouvelle liturgie, portait l’inscription " Autel privilégié Cela signifiait que les âmes des défunts pour lesquels la messe était dite sur cet autel bénéficiaient d’indulgences particulières.
Ce privilège était accordé par le Saint Père ou par de très hautes autorités de l’Eglise.
De chaque côté de l’abside, se trouvent deux vitraux représentant Saint Pierre et, lui faisant face, Saint Paul avec son épée et son livre ouvert..
Dans le Bas-côté sud, dédié à la Vierge, l'autel et le retable sont également en bois peint et doré, avec chutes de feuilles et fruits. Le retable est encadré de deux colonnes torses placées de part et d'autre d'une niche qui abrite une élégante statue de la Vierge en bois doré du XVIII° siècle. Elle tient un enfant Jésus plein de vie. L'artiste a su rendre l'élégance des vêtements plissés et des mouvements de ce groupe. Le devant d'autel est en bois peint avec un personnage en médaillon inscrit dans de très délicats rinceaux. On reconnaît la représentation d'une sainte, tenant la palme du martyre dans la main droite. L'autre main tient un objet qui est endommagé et illisible, de plus la coiffure du personnage est détériorée. Il pourrait s'agir de sainte Barbe ou de sainte Lucie qui correspondrait à un ancien culte célébré dans cette chapelle.
Dans le Bas-côté nord, dédié maintenant à Saint Joseph se trouve un autre autel-retable avec décor d'ostensoir dans le médaillon de la table d'autel. Un symbole triangulaire de la Trinité entourée des rayons divins décore la porte du tabernacle surmonté d'une statue de saint Pierre. Elle date du XIX° siècle, époque du développement des statues de plâtre ou de stuc peint. Deux belles colonnes à fut lisse avec enroulements de rubans et décors ornementaux divers encadrent une représentation de l'adoration de l'eucharistie.
La sacristie conserve toujours un beau meuble de sacristie pour ranger objets du culte, linge et vêtements liturgiques. Le fronton est délicatement sculpté des armes de saint Pierre, les deux clés et les liens rappelant sa captivité.
Après la tourmente révolutionnaire, le Concordat remplaça les deux paroisses de Sévignacq et de Meyracq du diocèse de Lescar par la paroisse de Sévignacq Meyracq du diocèse de Bayonne. La cure de Meyracq supprimée, l’unique desservant officia dans les deux églises jusqu’en 1960.
Des transformations importantes - qui ont concerné le gros œuvre et la décoration intérieure ont été effectuées durant le 19ème siècle et les premières années du 20ème. Des personnalités ont participé à ces agrandissements et embellissements.
En 1866, par délibération du conseil municipal, Monsieur Armand Lavignolle, Conseiller Général, propriétaire du château et bienfaiteur de l’église, est autorisé, pour des raisons de santé bien connues de toute la paroisse, à construire un oratoire dont il jouira ainsi que les membres de sa famille durant leur vie. Il prolongera le bas-côté sud de l’église. Cet oratoire sera séparé du reste de l’église par une cloison en briques facile à enlever le moment venu. Il sera évidemment accessible, depuis le parc du château. Cet oratoire privé a été remplacé par un confessionnal, puis par le baptistère.
Nathalie, ex reine de Serbie, souvent citée dans les sermons en tant que généreuse bienfaitrice de l’église, a participé au financement des travaux de cette époque. Née en 1859, épouse répudiée du roi Milan et mère d’Alexandre 1er, résidant à Biarritz depuis 1892, elle avait choisi Sévignacq comme pied à terre. Elle participait à la vie locale et donnait à la veille de la grande guerre des séances récréatives au Château d’Etigny où se produisaient séparément les jeunes gens et les jeunes filles du village.
En comparant divers plans nous nous apercevons que le bas-côté nord a été prolongé, que l’escalier actuel a été posé sur l’ancien, beaucoup plus raide, en dalles de grès d’Asson . La partie conservée de ce vieil escalier permet un accès de côté très utile aux jours de grande affluence. Des aménagements du porche et de la partie inférieure du clocher sont également de cette époque A l’intérieur, les quatre vitraux présentent un décor général identique avec chacun deux médaillons quadrilobés de même grandeur, disposés dans la hauteur.
Ceux de la partie inférieure présentent tous la même croix à quatre branches égales dite croix de Jérusalem. Dans la partie supérieure, les motifs diffèrent suivant les symboles exprimés.
Près de l’autel de St Joseph, le calice, l’hostie, les colombes, la gerbe de blé, et la grappe de raisin représenten l’Eucharistie. Avec le monogramme P, le bateau, le coq, l’anneau et les clefs nous retrouvons sur l’autre vitrail, les signes de Pierre. Sur le bas-côté sud, l’un est dédié à Jésus Christ : JHS, croix, clous. Le quatrième, en hommage à la Sainte Vierge, avec le monogramme A M et la couronne de la reine des cieux est signé par l’atelier palois ARCEM GAN 1920. Le premier cité a été offert par Madame Filleul de Brohy, le second par la famille Labougle de Sévignacq , et le troisième par Mme Desson. De Madame Filleul de Brohy, sans connaître ses attaches avec Sévignacq, nous savons seulement que sa famille est originaire de la Sarthe et apparentée au Maréchal Magnan (second empire). De Mme Desson, le souvenir s’est effaçé à Sévignacq.
Les derniers aménagements des années 1975 ont rendu l’église plus dépouillée. Les bancs ont remplacé les chaises, le plancher du chœur et celui de la tribune ont été refaits. La Table sainte, la chaire en bois, diverses statues dont celle de Jeanne d’Arc en armure, les tableaux du chemin de croix, ont été enlevés. La balustrade de la tribune, un grand crucifix, un beau meuble de sacristie, un confessionnal, le tableau représentant le baptême du Christ ont été conservés. Le bénitier central et la Piéta souvenir de la Mission de 1931, se retrouvent sous le porche. Ces aménagements nous ont valu un nouvel autel remarquable par sa simplicité, ainsi que des fonts baptismaux de signature moderne.
On ne saurait parler de l’église et de son beau clocher fortifié et passer sous silence les deux cloches, la grande et la petite, qui ont pendant des siècles réglé la vie du village. Leur entretien était onéreux : en 1752 une des cloches est gâtée. Pour la refondre, un marché est passé avec "le nommé marron françois Espagnol " En 1839, il en coûtera 831 francs 10 centimes. En 1865, la refonte des deux cloches s’impose. La grande s’est fêlée et la petite s’est détachée et a été projetée dans la prairie de Mr Lavignolle.
En conclusion, nous citerons l’ouvrage récent : les chemins de saint Jacques en Béarn et en Pays Basque de Louis laborde Balen et Jean pierre Rousset « ….l’église et l’abbaye laïque de Sévignacq Meyracq forment un très riche ensemble, étroitement imbriqué, telles deux sœurs siamoises, en dessous du sommet, mais dominant la vallée. »
Il existait une autre chapelle, saint Saturnin, dans le quartier de Meyracq
Source Bernard Lardit et Françoise Fabre
Pour mémoire, le quartier Meyracq limitrophe d'Arudy disposait d'une petite église, d'origine archaïque dédiée à St Saturnin, située dans un cadre exceptionnel. Désaffectée, elle est devenue propriété d'un particulier qui l'a restaurée, depuis les années 1975/1976. Elle est d'un plan rectangulaire flanquée d'une petite chapelle au nord et d'une sacristie au sud. Son clocher est carré à 2 étages. Le maître-autel disposait d'un beau retable du 18e siècle, récupéré par le service des Beaux-Arts au moment de la vente.